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La Cour du Lion
7 août 2004
par Jean de la Fontaine
Sa Majesté lionne un jour voulut connaîtreDe quelles nations le ciel l’avait fait maître.Il manda donc par députésSes vassaux de toute nature,Envoyant de tous les côtésUne circulaire écriture,Avec son sceau. L’écrit portaitQu’un mois durant le roi tiendraitCour plénière, dont l’ouvertureDevait être un fort grand festin,Suivi des tours de Fagotin.Par ce trait de magnificenceLe prince à ses sujets étalait sa puissance.En son Louvre il les invita.Quel Louvre ! un vrai charnier, dont l’odeur se portaD’abord au nez des gens. L’ours boucha sa narine :Il se fut bien passé de faire cette mine ;Sa grimace déplut : le monarque irritéL’envoya chez Pluton faire le dégoûté.Le singe approuva fort cette sévérité,Et flatteur excessif, il loua la colèreEt la griffe du prince, et l’antre, et cette odeur :Il n’était ambre, il n’était fleurQui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterieEut un mauvais succès, et fut encor punie :Ce Monseigneur du lion-làFut parent de Caligula.Le renard étant proche : « Or cà, lui dit le sire,Que sens-tu ? dis le moi : parle sans déguiser. »L’autre aussitôt de s’excuser,Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que direSans odorat ; bref, il s’en tire.Ceci vous sert d’enseignement :Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire,Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère,Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.
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