Retour au format normal
Le Corbeau voulant imiter l’Aigle
7 novembre 2004
par Jean de la Fontaine
L’Oiseau de Jupiter enlevant un Mouton,Un Corbeau, témoin de l’affaire,Et plus faible de reins, mais non pas moins glouton,En voulut sur l’heure autant faire.Il tourne à l’entour du troupeau,Marque entre cent Moutons le plus gras, le plus beau,Un vrai Mouton de sacrificeOn l’avait réservé pour la bouche des Dieux.Gaillard Corbeau disait, en le couvant des yeuxJe ne sais qui fut ta nourrice ;Mais ton corps me paraît en merveilleux étatTu me serviras de pâtureSur l’animal bêlant à ces mots il s’abat.La moutonnière créaturePesait plus qu’un fromag ; outre que sa toisonEtait d’une épaisseur extrême,Et mêlée à peu près de la même façonQue la barbe de Polyphème.Elle empêtra si bien les serres du Corbeau,Que le pauvre Animal ne put faire retraite.Le Berger vient, le prend, l’encage bien et beauLe donne à ses enfants pour servir d’amusette.Il faut se mesurer ; la conséquence est netteMal prend aux volereaux de faire les voleurs.L’exemple est un dangereux leurreTous les mangeurs de gens ne sont pas grands seigneurs ;Où la Guêpe a passé, le Moucheron demeure.
© Copyright "Les fables de Jean de La Fontaine", 2004, all rights reserved, Responsable éditorial : maurice92160 http://maurice92160.free.fr/lafontaine