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Le Combat des Rats et des Belettes
7 décembre 2004
par Jean de la Fontaine
La nation des belettes,Non plus que celle des chats,Ne veut aucun bien aux rats ;Et sans les portes étrètesDe leurs habitations,L’animal à longue échineEn ferait, je m’imagine,De grandes destructions.Or une certaine annéeQu’il en était à foison,Leur roi, nommé Ratapon,Mit en campagne une armée.Les belettes, de leur part,Déployèrent l’étendard.Si l’on croit la renommée,La victoire balança :Plus d’un guéret s’engraissaDu sang de plus d’une bande.Mais la perte la plus grandeTomba presque en tous endroitsSur le peuple souriquois.Sa déroute fut entière,Quoi que pût faire Artapax,Psicarpax, Méridarpax,Qui, tout couverts de poussière,Soutinrent assez longtempsLes efforts des combattants.Leur résistance fut vaine ;Il fallut céder au sort :Chacun s’enfuit au plus fort,Tant soldat que capitaine.Les princes périrent tous.La racaille, dans des trousTrouvant sa retraite prête,Se sauva sans grand travail ;Mais les seigneurs sur leur têteAyant chacun un plumail,Des cornes ou des aigrettes,Soit comme marques d’honneur,Soit afin que les belettesEn conçussent plus de peur,Cela causa leur malheur.Trou, ni fente, ni crevasseNe fut large assez pour eux ;Au lieu que la populaceEntrait dans les moindres creux.La principale jonchéeFut donc des principaux rats.Une tête empanachéeN’est pas petit embarras.Le trop superbe équipagePeut souvent en un passageCauser du retardement.Les petits, en toute affaire,Esquivent fort aisément :Les grands ne le peuvent faire.
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