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Le Chien à qui on a coupé les oreilles
8 juillet 2004
par Jean de la Fontaine
« Qu’ai-je fait, pour me voir ainsiMutilé par mon propre maître ?Le bel état où me voici !Devant les autres chiens oserai-je paraître ?Ô rois des animaux, ou plutôt leurs tyrans,Qui vous feraient choses pareilles... »Ainsi criait Mouflar, jeune dogue ; et les gens,Peu touchés de ses cris douloureux et perçants,Venaient de lui couper sans pitié les oreilles.Mouflar y croyait perdre. Il vit avec le tempsQu’il y gagnait beaucoup ; car étant de natureA piller ses pareils, mainte mésaventureL’aurait fait retourner chez luiAvec cette partie en cent lieux altérée :Chien hargneux a toujours l’oreille déchirée.Le moins qu’on peut laisser de prise aux dents d’autrui,C’est le mieux. Quand on n’a qu’un endroit à défendre,On le munit, de peur d’esclandre.Témoin Maître Mouflar armé d’un gorgerin ;Du reste ayant d’oreille autant que sur ma main :Un loup n’eût su par où le prendre.
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