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Le Berger et la Mer
11 décembre 2004
par Jean de la Fontaine
Du rapport d’un troupeau dont il vivait sans soins,Se contenta longtemps un voisin d’Amphitrite :Si sa fortune était petite,Elle était sûre tout au moins.A la fin, les trésors déchargés sur la plageLe tentèrent si bien qu’il vendit son troupeau,Trafiqua de l’argent, le mit entier sur l’eau.Cet argent périt par naufrage.Son maître fut réduit à garder les brebis,Non plus berger en chef comme il était jadis,Quand ses propres moutons paissaient sur le rivage :Celui qui s’était vu Coridon ou TircisFut Pierrot et rien davantage.Au bout de quelque temps, il fit quelques profits,Racheta des bêtes à laine ;Et comme un jour les vents, retenant leur haleine,Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux :"Vous voulez de l’argent, ô Mesdames les Eaux,Dit-il, adressez-vous, je vous prie, à quelque autre :Ma foi ! vous n’aurez pas le nôtre."Ceci n’est pas un conte à plaisir inventé.Je me sers de la véritéPour montrer par expérience,Qu’un sou, quand il est assuré,Vaut mieux que cinq en espérance ;Qu’il se faut contenter de sa condition ;Qu’aux conseils de la mer et de l’ambitionNous devons fermer les oreilles.Pour un qui s’en louera, dix mille s’en plaindront.La mer promet monts et merveilles :Fiez-vous y ; les vents et les voleurs viendront.
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