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Le Rat qui s’est retiré du monde
16 juillet 2004
par Jean de la Fontaine
Les Levantins en leur légendeDisent qu’un certain rat, las des soins d’ici-bas,Dans un fromage de HollandeSe retira loin du tracas.La solitude était profonde,S’étendant partout à la ronde.Notre ermite nouveau subsistait là dedans.Il fit tant, de pieds et de dents,Qu’en peu de jours il eut au fond de l’ermitageLe vivre et le couvert ; que faut-il davantage ?Il devint gros et gras : Dieu prodigue ses biensA ceux qui font voeu d’être siens.Un jour, au dévot personnage,Des députés du peuple ratS’en vinrent demander quelque aumone légère :Ils allaient en terre étrangèreChercher quelque secours contre le peuple chat ;Ratopolis était bloquée :On les avait contraints de partir sans argent,Attendu l’état indigentDe la république attaquée.Ils demandaient fort peu, certains que le secoursSerait prêt dans quatre ou cinq jours.« Mes amis, dit le solitaire,Les choses d’ici-bas ne me regardent plus :En quoi peut un pauvre reclusVous assister ? Que peut-il faireQue de prier le ciel qu’il vous aide en ceci ?J’espère qu’il aura de vous quelque souci. »Ayant parlé de la sorte,Le nouveau saint ferma sa porte.Que désignai-je, à votre avis,Par ce rat si peu secourable ?Un moine ? Non, mais un dervis :Je suppose qu’un moine est toujours charitable.
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