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Le Lièvre et la Tortue
18 juin 2004
par Jean de la Fontaine
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point :Le lièvre et la tortue en sont un témoignage.« Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez pointSitôt que moi ce but. - Sitôt ? Êtes-vous sage ?Repartit l’animal léger :Ma commère, il vous faut purgerAvec quatre grains d’ellébore.)- Sage ou non, je parie encore."Ainsi fut fait ; et de tous deuxOn mit près du but les enjeux :Savoir quoi, ce n’est pas l’affaire,Ni de quel juge l’on convint.Notre lièvre n’avait que quatre pas à faire,J’entends de ceux qu’il fait lorsque, prêt d’être atteint,Il s’éloigne des chiens, les renvoie aux calendes,Et leur fait arpenter les landes.Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,Pour dormir et pour écouterD’où vient le vent, il laisse la tortueAller son train de sénateur.Elle part, elle s’évertue,Elle se hâte avec lenteur.Lui cependant méprise une telle victoire,Tient la gageure à peu de gloire,Croit qu’il y a de son honneurDe partir tard. Il broute, il se repose,Il s’amuse à toute autre choseQu’à la gageure. A la fin, quand il vitQue l’autre touchait presque au bout de la carrière,Il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fitFurent vains : la tortue arriva la première."Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?De quoi vous sert votre vitesse ?Moi l’emporter ! et que serait-ceSi vous portiez une maison ?"
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