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Jupiter et le Passager
19 janvier 2004
par Jean de la Fontaine
O combien le péril enrichirait les dieux,Si nous nous souvenions des voeux qu’il nous fait faire !Mais le péril passé, l’on ne se souvient guèreDe ce qu’on a promis aux Cieux ;On compte seulement ce qu’on doit à la terre.« Jupiter, dit l’impie, est un bon créancier ;Il ne se sert jamais d’huissier.- Eh ! qu’est-ce donc que le tonnerre ?Comment appelez-vous ces avertissements ? »Un passager pendant l’orage,Avait voué cent boeufs au vainqueur des Titans.Il n’en avait pas un : vouer cent éléphantsN’aurait pas coûté davantage.Il brûla quelques os quand il fut au rivage :Au nez de Jupiter la fumée en monta.« Sire Jupin, dit-il, prends mon vœu ; le voilà :C’est un parfum de boeuf que ta grandeur respire.La fumée est ta part, je ne te dois plus rien. »Jupiter fit semblant de rire ;Mais, après quelques jours, le dieu l’attrapa bien,Envoyant un songe lui direQu’un tel trésor était en tel lieu. L’homme au voeuCourut au trésor comme au feu.Il trouva des voleurs ; et n’ayant dans sa bourseQu’un écu pour toute ressource,Il leur promit cent talents d’or,Bien comptés et d’un tel trésor :On l’avait enterré dedans telle bourgade.L’endroit parut suspect aux voleurs ; de façonQu’à notre prometteur l’un dit :« Mon camarade,Tu te moques de nous ; meurs et va chez PlutonPorter tes cent talents en don. »
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