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La Forêt et le Bûcheron
14 juin 2004
par Jean de la Fontaine
Un bûcheron venait de rompre ou d’égarerLe bois dont il avait emmanché sa cognée.Cette perte ne put sitôt se réparerQue la forêt n’en fût quelque temps épargnée.L’homme enfin la prie humblementDe lui laisser tout doucementEmporter une unique brancheAfin de faire un autre manche.« Il irait employer ailleurs son gagne-pain ;Il laisserait debout maint chêne et maint sapinDont chacun respectait la vieillesse et les charmes."L’innocente forêt lui fournit d’autres armes.Elle en eut du regret. Il emmanche son fer :Le misérable ne s’en sertQu’à dépouiller sa bienfaitriceDe ses principaux ornements.Elle gémit à tous moments :Son propre don fait son supplice.Voilà le train du monde et de ses sectateurs .On s’y sert du bienfait contre les bienfaiteurs.Je suis las d’en parler. Mais que de doux ombragesSoient exposés à ces outrages,Qui ne se plaindrait là-dessus !Hélas ! j’ai beau crier et me rendre incommode,L’ingratitude et les abusN’en seront pas moins à la mode
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